La voix frissonnante, le tempo juste, Aristides « Tito » Paris chante d’entrée de jeu sur une musique nuancée. Une coladeira aux couleurs très jazz ou l’inverse, tant l’alliage est indissociable dans son dansant Um Ten Graça de Tchega. Un savoir-faire que l’elfe capverdien étale brillamment dès le titre suivant Nô Intende, écrit par son vieux complice Toy Vieira et où brille une coladeira subtile, intelligente, tout comme Mar di Ilheu au déhanchement plus leste.
Saxophone, trompette, trombone filent leur swing à ce balancement créole qui ferait croire que le Cap-Vert est un archipel des Caraïbes. Parfois, Tito mêle le jazz au funaná, cette cadence noire et frénétique qui fait tout le sel de Kantador. Les onze chansons de cet album sorti en 1996 et enregistré à Lisbonne, où Tito habite depuis une trentaine d’années, sont traversées par un moment fort. Entouré de ses frères Manuel (basse) et Toy (batterie), Tito interprète une morna ruisselante de sodade (du portugais saudade), émouvante, où il met tout son cœur.
Il chante Joana Rosa en duo avec Vitorino, son père en participation exceptionnelle ici. Vitorino Paris est aussi auteur de morna, celle de Mindelo, la ville familiale sur l’île de São Vicente d’où Tito ramène une indolence qui pousse à l’abandon comme le suggère efficacement la suave Rainha Estrella, chantée telle une supplique, ou l’ultime Um Paixo qui est gardé en une sorte de meilleur pour la fin.
Parfois, la morna regarde vers le Brésil avec la délicate Marina. Mindelo n’était pas surnommé pour rien « le petit Brésil » du temps de sa splendeur dans les années 1950-60. Un âge d’or dont Tito a la saudade sans l’avoir connu.
Par Bouziane Daoudi | akhaba.com